Les procédures collectives visent le traitement judiciaire des difficultés d’une entreprise. Les différentes procédures ne suivent cependant pas toutes le même régime ; en effet, si les procédures de redressement ou de liquidation judiciaire sont subordonné à la cessation de paiement, la procédure de sauvegarde est réservée aux entreprises in bonis, c’est-à-dire aux entreprises qui ne sont pas en état de cessation de paiement et qui peuvent faire face à leur passif exigible grâce à leur actif disponible.
Avant de s’intéresser plus amplement aux différentes procédures collectives en profondeur, nous aborderons les mesures d’accompagnements qui peuvent être mises en place au bénéfice des entreprises en difficulté afin de leur apporter un soutien.
I. Les mesures d’accompagnement et les dispositifs de soutien des entreprises en difficulté
Le droit a mis en place différentes mesures d’accompagnement au bénéfice des entreprises en difficulté. Les mécanismes de soutien varient et peuvent toucher les acteurs du secteur public comme ceux du secteur privé. Ainsi, une entreprise rencontrant des difficultés, peut prétendre à divers mécanismes d’aide ; notamment, 3 dispositifs distincts peuvent être mis en œuvre.
- Délais de paiement pour les dettes sociales et fiscales
Lorsque l’entreprise rencontre des difficultés de paiement, elle peut, en saisissant les organismes concernés, administration fiscale et/ou Urssaf, faire la demande pour obtenir des délais de paiement des dettes fiscales et/ou sociales.
Si l’entreprise rencontre des difficultés pour honorer ses échéances sociales, celle-ci peut demander des délais de paiement ou une remise des majorations de retard auprès de l’Urssaf. Toutefois, lorsque les difficultés de paiement concernent des échéances fiscales, l’entreprise en difficulté doit s’adresser à l’administration fiscale, et plus spécifiquement aux services des impôts des entreprises pour obtenir des délais de paiement.
Également, si l’entreprise rencontre des difficultés, la possibilité lui est également donnée de saisir la CCSF (Commission des chefs de services financiers) ; la commission réunit différents créanciers publics. Les entreprises peuvent en principe bénéficier de ce dispositif à condition d’être à jour de leurs obligations déclaratives et de paiement des parts salariales et des cotisations sociales. La commission peut accorder aux entreprises :
- Un échéancier pour le paiement des dettes sociales, fiscales professionnelles ou encore des assurances chômages ;
- Des remises partielles de dettes dans le cadre d’une entreprise en instance de procédure collective ;
- A titre dérogatoire, des remises partielles et/ou intégrales des majorations et des pénalités de retard lorsque l’entreprise fait l’objet d’une reprise ou d’une restructuration financière.
- Aides publiques auprès du Codefi ou du Ciri
Lorsque l’entreprise rencontre des problèmes de financements lui permettant d’assurer son activité ou son développement, elle peut demander à être accompagnée par l’une des instances suivantes :
- Le Comité départemental d’examen des problèmes de financement des entreprises (Codefi) lorsque l’entreprise compte moins de 400 salariés ;
- Le Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) lorsque l’entreprise compte plus de 400 salariés.
Le Codefi est une instance départementale placée sous l’autorité du préfet. L’instance peut proposer aux entreprises en difficulté la saisissant, l’une des solutions suivantes :
- Commander des audits pour établir un diagnostic de la situation de l’entreprise ; toutefois, seules les entreprises constituées sous la forme de sociétés commerciales sont éligibles.
- Rechercher des solutions financières en faveur du redressement ou de la restructuration de l’entreprise ; le secrétaire permanent du Codefi joue un rôle de médiateur face aux actionnaires, établissements financiers et principaux clients de l’entreprise.
- Accorder des prêts de restructuration grâce au fonds de développement économique et social ; le prêt a pour objet de financer le futur de l’entreprise dans le cadre d’un plan de restructuration.
Le Ciri quant à lui est rattaché à la direction générale du Trésor public. Le comité a pour objet de définir un plan de transformation en accord avec l’entreprise, puis de négocier les financements avec les différentes parties ; il a également la possibilité d’accorder des prêts. La mission principale est donc d’apporter de l’aide aux entreprises en difficulté en élaborant et mettant en œuvre des solutions afin d’assurer la pérennité et le développement de celle-ci.
- Le financement grâce à la médiation du crédit aux entreprises
La Médiation du crédit aux entreprises est un service gratuit et confidentiel de la Banque de France, accessible à toutes les entreprises. Ainsi, l’entreprise qui se trouve en difficulté pour le remboursement d’un prêt bancaire ou de son prêt garanti par l’État (PGE) peut saisir la Médiation du crédit, le but étant d’établir un plan d’action auprès des banques.
Dans le cas où la situation de l’entreprise est irrémédiablement compromise, l’ouverture d’une procédure collective à son bénéfice devient indispensable. Il existe 3 procédures collectives différentes ; toutefois, des préalables à l’ouverture d’une procédure doivent être envisagés.
II. La saisine de la juridiction compétente
A. La saisine de la juridiction compétente dans les procédures de sauvegarde de justice
L’ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être demandée que par l’entreprise en difficulté ; il s’agit d’une procédure volontaire. La saisine se fait par une demande écrite, déposée au greffe du tribunal compétent. Cette demande doit exposer la nature des difficultés de l’entreprise et les raisons pour lesquelles elle n’est pas en mesure de les surmonter seule. Elle doit en outre être accompagnée de certains documents comptables.
B. La saisine de la juridiction compétente dans les procédures de redressement et de liquidation judiciaire
L’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire peut être demandée par l’entreprise en difficulté ou par d’autres intervenants.
Tout débiteur en cessation de paiement à l’obligation de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. La déclaration de cessation de paiement à l’initiative du débiteur est communément appelée « dépôt de bilan » ; c’est le mode normal de saisine de la juridiction. La demande doit être faite au plus tard dans les 45 jours qui suivent la cessation de paiement ; une exception existe dans le cas d’une demande de conciliation : le débiteur ne sera plus tenu par ce délai à condition que la demande de conciliation ait été faite dans les 45 jours.
En tout état de cause, le débiteur en cessation de paiement dispose de l’une des options suivantes :
- Saisir le juge pour que celui-ci nomme un conciliateur à condition que l’état de cessation de paiement ne remonte pas à plus de 45 jours ; il faudra que la situation de l’entreprise ne soit pas irrémédiablement compromise.
- Déposer un bilan en vue d’obtenir une procédure redressement ou de liquidation judiciaire.
Au-delà du délai de 45 jours, toute alternative pour le débiteur disparait et la juridiction doit ouvrir la procédure de redressement ou liquidation. La déclaration de cessation de paiement doit être faite au greffe du tribunal du siège de l’entité par son représentant légal.
Également, l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation peut être demandée par un créancier ou par le ministère public. Le juge n’a pas la possibilité d’ouvrir d’office les procédures (décision du Conseil Constitutionnel du 7 décembre 2012).
- Pour un créancier
La procédure est ouverte sur assignation d’un créancier titulaire d’une créance certaine, liquide et exigible. La saisine par le créancier n’est possible qu’à la condition qu’aucune procédure de conciliation ne soit en cours au jour de la demande d’ouverture.
L’acte d’assignation du créancier doit indiquer la nature et le montant de la créance ainsi que les procédures ou voies d’exécution éventuellement engagées. Il doit également contenir la preuve de l’état de cessation de paiement de l’entreprise.
- Pour le ministère public
L’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation peut également être faite à la requête du ministère public à condition qu’aucune procédure de conciliation ne soit en cours au jour de la requête.
Le juge ne peut ouvrir d’office la procédure ; par ailleurs, il conserve néanmoins la possibilité de convertir d’office une procédure de sauvegarde en une procédure de redressement ou de liquidation, ou une procédure de redressement en une procédure de liquidation. Néanmoins, pour pallier l’impossibilité d’auto-saisine du juge, il est prévu que lorsqu’il est porté à sa connaissance un état de cessation de paiement susceptible de fonder l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation, le juge en informe le ministère public, en lui exposant les faits de nature à motiver la saisine du tribunal.
III. Les tribunaux compétents en matière de procédures collectives
En matière de procédure collectives, deux compétences se juxtaposent : une compétence matérielle et une compétence territoriale.
Lorsque l’on s’intéresse à la compétence matérielle, il faut porter un intérêt à l’activité de l’entreprise. Le tribunal compétence est, soit le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale, soit le tribunal judiciaire dans les autres cas.
Lorsque l’on s’intéresse à la compétence territoriale, il faut porter une attention à la localisation géographique de l’entreprise. Si l’entreprise est française, le tribunal territorialement compétent est celui du ressort sur lequel l’entreprise a son siège. Pour les personnes physiques, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur a déclaré l’adresse de son entreprise ou de son activité. Si le débiteur n’a pas de siège en France, le juge national a une compétence internationale pour ouvrir une procédure collective contre l’entreprise, dès lors qu’elle a le centre de ces intérêts principaux sur le territoire français. Enfin, lorsque le débiteur étranger a son siège dans l’un des États de l’Union européenne, à l’exception du Danemark, une procédure collective peut être ouverte en France contre lui.
IV. Jugement d’ouverture d’une procédure collective
La juridiction ne peut décider de l’ouverture d’une procédure collective qu’après avoir, à peine de nullité, entendu le débiteur, les représentants du conseil économique et social ou à défaut, les délégués du personnel. Le tribunal a également la possibilité d’entendre s’il le souhaite, toutes personnes dont l’audition lui parait utile.
Tous les actes accomplis par le débiteur le jour du jugement d’ouverture seront réputés conclus après l’ouverture de la procédure. Le jugement d’ouverture doit constater que les conditions légales d’ouverture sont réunies.
Lorsque la procédure ouverte est une procédure de redressement ou de liquidation, le jugement d’ouverture doit fixer la date de cessation de paiement. Selon les cas, cette date peut correspondre soit à la date du jugement d’ouverture, soit à une date antérieure sans jamais que cette période antérieure ne dépasse 18 mois. Si le juge fixe la date de cessation de paiement à une date antérieure au jugement d’ouverture, il s’ouvre une période suspecte. La période suspecte correspond à la période entre la date de cessation de paiement fixée par le juge et la date du jugement d’ouverture de la procédure collective.
Lorsque l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation a été précédée d’une procédure de conciliation et de l’adoption d’un accord amiable homologué, le juge ne peut fixer la date de cessation de paiement à une date antérieure à la décision judiciaire d’homologation de l’accord.
Le jugement d’ouverture doit désigner les organes de la procédure. Dans chacune des 3 procédures, le tribunal doit désigner un juge commissaire ; il est à la coordination de la procédure. Spécifiquement à la procédure de sauvegarde et de redressement, le tribunal peut nommer un administrateur judiciaire. La mission qui lui est confiée consiste à gérer l’entreprise pendant la période d’observation, et préparer le plan de sauvegarde ou de redressement. Sa mission prend fin à l’issue de la période d’observation. Le tribunal peut également désigner un ou plusieurs experts chargés d’assister, selon le cas, l’administrateur judiciaire ou le débiteur.
Ces différentes précisions faites sur les préalables des procédures collectives, il conviendra de s’intéresser ultérieurement aux mécanismes des procédures de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire.