L'action en opposition à l’enregistrement d’une marque
Prévue aux articles L712-3 à L712-5 du code de procédure intellectuelle, la finalité d’une action en opposition à l’enregistrement d’une marque est d’empêcher l’enregistrement d’une marque nouvelle dès lors que l’auteur de l’action estime qu’un tel dépôt porte atteinte à ses droits.
Depuis sa création par la loi du 4 janvier 1991, la procédure d’opposition devant l’INPI connaît un succès constant donnant lieu à une jurisprudence fournie.
Une telle action doit être exercée auprès de l’INPI, qui se prononcera sur sa légitimité et ses suites. Si la procédure d’opposition de marque à l’INPI est relativement courte, de l’ordre de 6 mois, elle demeure toutefois tout aussi complexe qu’un procès en contrefaçon de marque. Au regard de l’enjeu et de la technicité d’une telle procédure, l’assistance d’un conseil en propriété intellectuelle ou d’un avocat spécialisé s’avère nécessaire.
Quand une action en opposition est-elle justifiée ?
Pour savoir quand une telle action est justifiée, il faut prendre en considération plusieurs éléments :
- En premier lieu, l’action en opposition peut viser l’enregistrement d’une marque française ou bien d’une marque internationale qui aurait vocation à produire des effets sur le territoire français.
- En second lieu, l’auteur de l’action en opposition doit justifier d’un droit antérieur sur le territoire français. Le droit antérieur invocable peut résulter :
- d’une marque française valablement déposée ou enregistrée, d’une marque internationale ayant effet en France ou dans l’Union européenne, une marque de l’Union européenne valable, mais également une marque notoire quand bien même celle-ci n’aurait pas fait l’objet d’un enregistrement ou d’un dépôt,
- d’un nom, d’une image ou de la renommée d’une collectivité territoriale,
- d’une indication géographique portant sur un produit artisanal ou industriel, d’une indication géographique portant sur des boissons spiritueuses ou d’une indication géographique protégée,
- d’une AOP ou d’une AOC.
Comment exercer une action en opposition ?
Des règles procédurales propres
L’exercice de l’action en opposition s’inscrit dans une procédure spécifique, de sorte qu’une attention particulière doit lui être portée.
En effet, dans un arrêt en date du 21 octobre 2014, la chambre commerciale de la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que :
La procédure d’opposition à l’enregistrement d’une marque est régie par des règles propres, exclusives de l’application des dispositions du Code de procédure civile.
Par ailleurs, les possibilités de régularisation d’un acte d’opposition entaché d’irrégularités sont restreintes. En effet, la Cour de cassation a estimé que l’acte d’opposition non conforme aux exigences qui découlent de l’article L712-5 du code de la propriété intellectuelle aboutit à l’irrecevabilité de l’opposition, sans que le directeur de l’INPI puisse solliciter une quelconque régularisation de l’acte imparfait.
Qui doit agir ?
L’opposition peut être formée soit par l’intéressé lui-même ou bien celui-ci peut se faire représenter dans cette démarche, notamment par un conseil en propriété industrielle ou un avocat. Au regard de la technicité de la procédure, il est souhaitable de faire intervenir un mandataire habilité.
L'article R712-15 du Code de la propriété intellectuelle dispose que ;
Est déclarée irrecevable toute opposition soit formée hors délai, soit présentée par une personne qui n'avait pas qualité, soit non conforme aux conditions prévues aux articles R. 712-13 et R. 712-14.
Les professionnels habilités à représenter sans justificatif une société ou une personne physique sont les avocats et les conseils en propriété intellectuelle.
En dehors de ces cas précis, un justificatif sera exigé pour démontrer le pouvoir de représentation du titulaire des droits antérieurs.
Quand agir ?
L’exercice de l’action en opposition doit respecter un certain délai :
- En présence d’une marque française, l’intéressé dispose d’un délai de deux mois suivant la publication de la demande d’enregistrement au Bulletin officiel de propriété industrielle (BOPI) pour faire opposition.
- En présence d’une marque internationale visant la France, l’intéressé dispose d’un délai de deux mois à compter de la publication de l’enregistrement à la Gazette des marques internationales de l’OMPI.
Afin de respecter ce délai d’opposition, relativement court, il est indispensable de mettre en place une surveillance active de sa marque.
Dans l’hypothèse où aucune opposition n’a été formée dans le délai de deux mois, il n’est plus possible d’empêcher l’enregistrement d’une marque. Toutefois, cela ne signifie pas que vous n’avez plus d’action possible contre l’utilisation de celle-ci.
Deux actions restent toujours ouvertes, à savoir l’action en nullité de marque et l’action en contrefaçon de marque :
- L’action en nullité de marque est prévue par l’article L714-3 du Code de propriété intellectuelle. Elle permet d’obtenir l’annulation d’une marque déjà enregistrée dès lors qu’elle porte atteinte à un droit antérieur ou qu’elle est contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, ou dénuée de caractère distinctif.
- L’action en contrefaçon de marque : elle a pour finalité de protéger une marque des atteintes qu’elle subit du fait d’autres marques qui porteraient atteinte à la fonction essentielle de la marque lié à d’un risque de confusion chez l’utilisateur ou le consommateur.
Comment agir ?
Depuis le 1er juin 2016, la procédure d’opposition est dématérialisée pour l’ensemble des échanges L’opposition s’effectue exclusivement par la voie électronique et nécessite donc la création d’un compte sur l’espace e-procédures de l’INPI.
Afin de procéder à l’opposition, un ensemble de pièces doivent être jointes au dossier. Parmi elles, sont notamment exigées une copie de la publication de la marque contestée ou encore si l’opposition est fondée sur l’atteinte à une marque antérieure, une copie de la publication de la marque antérieure ou, lorsque cette dernière n’a pas été déposée, tout élément permettant de prouver l’existence et la notoriété de celle-ci.
Chaque opposition ne doit être fondée que sur un seul droit antérieur. Par conséquent, il faudra recourir à autant d’oppositions que de droits antérieurs invoqués. En effet, L’article 6.1 de la décision du Directeur Général de l’Institut National de la Propriété Industrielle n° 2016-69 du 15 avril 2016 précise qu’« une opposition ne peut être fondée que sur un seul droit antérieur visé à l’article L712-4 du code de la propriété intellectuelle ». Dans le cas où une opposition serait fondée sur plus d’un droit, celle-ci sera déclarée irrecevable par le juge.
La procédure d’opposition est contradictoire. En effet, lorsque le dépôt du dossier d’opposition est jugé recevable, le déposant de marque est invité par l’INPI à présenter dans un délai de deux mois ses observations en réponse à l’opposition formée. L’argumentation développée par ce dernier vise alors essentiellement à démontrer que l’opposition n’est pas justifiée, soit parce qu’il n’existe aucun risque de confusion entre les marques en cause, que la demande d’enregistrement ne porte pas atteinte au droit antérieur de l’opposant.
L’INPI dispose d’un délai de 6 mois, à compter de l’expiration du délai pour former opposition pour rendre une décision.
Les risques encourus
L’issue de la demande d’opposition est déterminante pour faire échec à l’utilisation d’une nouvelle marque qui pourrait porter atteinte au droit antérieur de l’opposant. Ainsi, une attention particulière doit lui être apportée afin d’éviter tout risque d’irrecevabilité mais également dans l’optique de présenter de manière efficace et intelligible les arguments qui permettront de faire échec à l’enregistrement de la nouvelle marque litigeuse. En effet, la décision de l’INPI s’appuiera pour l’essentiel sur les arguments qui auront été développés par les contradicteurs.
Si la demande d’enregistrement de la nouvelle marque est rejetée, la décision est inscrite dans le Registre national des marques et publiée au Bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI).
En cas de décision de l’INPI défavorable, un recours peut toujours être formé devant la cour d’appel.