L'importance de la couleur pour les entreprises
Bien que la plupart des couleurs peuvent être utilisées par tous, certaines marques s’en sont appropriées certaines.
Les couleurs ont une importance capitale dans la communication des marques et jouent un rôle essentiel dans leur identité en leur permettant d’être facilement identifiables. En effet, elles ont un impact durable sur les consommateurs qui vont associer spontanément certaines couleurs à des entreprises.
Le Pantone Color Institute affirme que les repères visuels sont devenus essentiels pour faire passer un message étant donné que nos yeux filtrent 80% de notre expérience humaine. A titre d'exemple, on peut citer le rouge de Coca-Cola ou encore le jaune de La Poste qui sont très connus.
Dans le secteur du luxe, en plus d’être un élément d’identification, la couleur contribue généralement au succès d’une marque. Un simple emballage portant la teinte en question aura à lui seul de la valeur. Il n’est d’ailleurs pas rare de les voir en vente séparément. C’est par exemple le cas de la marque de bijoux Tiffany & Co et de son célèbre bleu turquoise, de Hermès et de son orange ou encore de Christian Louboutin et de sa fameuse semelle rouge.
Les combinaisons de couleurs sont également fréquemment utilisées par de célèbres maisons comme Gucci et son rouge et vert, ou encore Ikea et son bleu et jaune.
Quelle est donc la couleur la plus utilisée par les marques ? Galen Gidman, jeune entrepreneur, a décidé de créer un inventaire de toutes les marques et couleurs utilisées. Sans grande surprise, le bleu fait partie des teintes les plus utilisées, notamment par les réseaux sociaux. Cela s’explique par le fait qu’il est reconnu comme étant la couleur favorite dans le monde occidental.
La protection des couleurs, que dit la loi ?
Les législations varient selon les pays. En France, le Code de la propriété intellectuelle n’exclut pas qu’une couleur puisse constituer une marque. Il y a une quinzaine d’années, l’obtention d’une protection de ce type était relativement facile à obtenir. Ce n’est malheureusement plus le cas aujourd’hui. Malgré de nombreux dépôts de couleurs à titre de marques, l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) accepte rarement leur enregistrement. La jurisprudence est venue limiter cette protection en l’encadrant strictement.
Le nombre de teintes que peut percevoir un consommateur dans la vie courante étant plutôt limité, il est d'intérêt général de ne pas restreindre la disponibilité des couleurs.
L’ancien article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoyait que “les signes figuratifs tels que les dispositions, les combinaisons ou les nuances de couleur” pouvaient constituer des marques. Aujourd’hui, la référence aux couleurs a disparu. Le nouvel article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle, issu de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, prévoit que :
La marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale de ceux d'autres personnes physiques ou morales.
Ce signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l'objet de la protection conférée à son titulaire.
Donc, pour constituer une marque, le signe doit être distinctif, c’est-à-dire permettre à un consommateur d’identifier l’origine commerciale des produits ou services par rapport aux produits concurrents. La Cour de justice de l’Union européenne va dans le même sens, notamment à travers un arrêt rendu le 22 novembre 2018 (CJUE, 22 novembre 2018, C-578/17).
L’article 1er de la loi n°91-7 du 4 janvier 1991 affirme que :
La marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale.
Peuvent notamment constituer un tel signe (...) Les signes figuratifs tels que : (...) les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs.
Par conséquent, une couleur peut être le signe distinctif d’un produit ou d’une société, et peut être déposée à titre de marque.
Les dispositions de couleurs sont entendues comme la forme dans laquelle elles sont représentées, comme par exemple un logo. Quant à la combinaison de couleurs, c’est une association de plusieurs teintes, comme le noir et blanc de la maison CHANEL.
Le dépôt à titre de marque de ces deux signes a été admis facilement et très tôt, contrairement au dépôt de nuances de couleurs qui s’avère être plus compliqué.
En effet, les tribunaux français et plus particulièrement ceux de l’Union Européenne sont réticents et ont mis en place des conditions plus restrictives pour que les couleurs puissent être déposées à titre de marques. Le marché des produits visés doit être très spécifique et l’association de la teinte avec les produits doit être particulièrement inhabituelle. Par exemple, elle ne doit pas être identique à la teinte naturelle du produit, comme le vert clair d’un chewing-gum. L’association d’une nuance de vert avec des produits écologiques ne sera également pas acceptée. Cela a été confirmé par deux arrêts, un rendu par l’Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle le 18 décembre 1998 et un autre rendu par la Cour d’Appel de Douai le 31 mars 2018.
De manière générale, il n’est pas possible de déposer une couleur, mais seulement une nuance ou une combinaison de nuances devant être désignées précisément grâce à un code d’identification internationalement reconnu, ce qui est le cas de la classification Pantone.
Cette exigence a vu le jour dans les années 2000 dans un arrêt rendu par la Cour de Justice de la Communauté européenne le 12 décembre 2002. Elle a affirmé que :
La représentation graphique du signe et de la couleur, doit être claire, précise, objective et durable.
Il existe une autre situation dans laquelle l’octroi d’une marque sur une couleur peut être justifié. Pour cela, il est nécessaire que le titulaire démontre que le signe a acquis un caractère distinctif par l’usage et donc, que la teinte est maintenant immédiatement associée par le consommateur aux produits et services proposés par la marque en question.
L’usage a par exemple bénéficié à l’enseigne suédoise Ikea avec sa combinaison de couleur bleu et jaune et à la marque suisse de produits au chocolat Milka et sa célèbre couleur lilas, qui font aujourd’hui toutes deux l’objet d’une marque communautaire grâce à cet octroi.
La protection en cas de dépôt d’une marque de couleur
Concernant la protection, il est nécessaire de distinguer les couleurs protégées à titre de marques et celles faisant partie de l'identité visuelle de l'entreprise.
-
Pour les couleurs protégées à titre de marques :
En cas de contrefaçon, la marque aura la possibilité d’attaquer le concurrent, à condition de démontrer l’existence d’un risque de confusion pour le consommateur et que la couleur a donc bien un caractère distinctif. -
Pour les couleurs faisant partie de l'identité visuelle de l'entreprise :
Si un concurrent reprend de manière systématique les mêmes couleurs dans le but de tromper le consommateur, alors il peut y avoir parasitisme ou concurrence déloyale.
Bon à savoir :
Dans un arrêt rendu le 9 juin 2004, la Cour d’Appel de Paris a admis la contrefaçon par imitation d’un signe monochrome pour la nuance de couleur rose Pantone 212. Le litige opposant la société Candia à la société Blédina, concernait les deux bandeaux de teinte rose fuschia soulignant les bords du décor de produits laitiers pour nourrisson.
Les marques qui ont déposé leurs couleurs
Le bleu turquoise utilisé par la maison Tiffany & Co est une couleur déposée depuis 1998. Numérotée 1837 (année de création de Tiffany’s) dans le système Pantone, elle ne peut plus être utilisée par d’autres bijoutiers. Bien plus qu’un simple packaging, il sert d'assise à la notoriété de la société, c’est sa carte de visite.
Par conséquent, aucune autre personne ou entreprise ne peut l’utiliser pour sa communication s’il y a un risque de confusion, qu’il s’agisse d’une marque de bijoux, ou d’une entreprise d’un autre secteur dont le nom se rapprocherait de celui de Tiffany.
Le géant 3M a également déposé la couleur jaune canari qu’il utilise pour ses Post-It. En 1997, 3M a même intenté un procès à Microsoft pour avoir utilisé le terme « Post-it » sur son logiciel Windows 97 en utilisant la même teinte.
Théoriquement permis, la protection juridique et l’enregistrement d’une couleur à titre de marque s’avèrent être en réalité limités puisque les juridictions européennes et nationales ont mis en place des conditions strictes. Elle est donc difficilement reconnue et les cas de propriété d'une couleur restent donc exceptionnels.