La loi Lang du 10 août 1981 et plus récemment la loi du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique consacre une réglementation spéciale pour la vente de livres, du fait qu’il s’agit non pas d’un produit marchant mais d’un bien culturel. Il n’en demeure pas moins que la vente de livres papier sur internet constitue une vente à distance et relève donc des articles L221-1 et suivant du Code de la consommation.
Il existe une multitude de sites internet offrant la vente de livres. Certaines grandes enseignes spécialisées dans la vente de produits culturels, par exemple la Fnac, se sont lancées dans la vente électronique de livres, en créant leur site dédié. D’autres sociétés ont profité de la nouvelle vague pour s’implanter et se spécialiser dans la vente de livres papier sur internet (Amazon.fr, par exemple). Tous ces cybervendeurs sont tenus de respecter la législation relative au livre. Notamment, la règle du prix unique du livre doit être respectée. Ainsi, les commerçants ne doivent pas accorder des remises supérieures à 5% (le fameux -5% apposé sur les livres vendus à la Fnac).
S’il existe un contentieux avec les représentants des libraires, à propos de la gratuité de la livraison de livres commandés sur Internet, généreusement accordée par certaines grandes enseignes du net, les autres règles de la vente à distance ne posent pas de problèmes particuliers pour s’appliquer. Ainsi le droit de rétractation laissé au consommateur dans le cadre de la vente à distance d’un bien se retrouve également en ce qui concerne la vente de livres sur internet.
Le droit de rétractation appliqué à la vente de livres sur internet
Selon les règles prévues par le Code de la consommation, l’internaute qui effectue l’achat d’un bien sur internet dispose d’un ensemble de droits. Le marchand sur Internet doit en général informer de manière détaillée le consommateur sur la prestation en cause, les modalités de paiement, de livraison, etc.. Plus particulièrement, il doit l’informer de sa faculté de rétractation et lui indiquer clairement que s’il n’est pas satisfait par le livre commandé, il dispose d’un délai de 14 jours francs à partir de la date de réception pour le retourner (article L221-18 du Code de la consommation). Ce droit de rétractation du consommateur est discrétionnaire, aucun motif légitime n’est requis, sauf en cas de mauvaise foi de l’acheteur ou d’enrichissement sans cause (voir l’arrêt CJCE du 3 septembre 2009- Aff. n° C-489-07).
Dès lors que le livre a été retourné au vendeur, le consommateur obtiendra le remboursement des sommes versées, sans que le vendeur ne puisse lui réclamer aucune indemnité. Le vendeur devra restituer les sommes versées dans les plus brefs délais et en tous les cas dans les 30 jours suivant la date de retour du livre.
L’article L221-28 du Code de la consommation prévoit toute une série de contrats et de biens pour lesquels le droit de rétractation n’est pas possible. Il s’agit d’une disposition destinée à garantir au vendeur un minimum de sécurité juridique. Cela signifie aussi que le vendeur peut très bien déroger par convention à cette disposition et offrir malgré tout un droit de retour au consommateur. Parmi les cas dans lesquels la faculté de rétractation est exclue figurent les contrats de fourniture de magazines et de périodiques. Or le livre étant également un écrit, il aurait été de bon sens de penser que par analogie le législateur a entendu exclure la vente d’un livre du bénéfice du droit de rétractation. Mais tel n’est pas le cas. Sans doute que, à la différence du magazine ou du périodique, la valeur d’un livre ne s’épuise pas dans le délai de 14 jours. Dans ces conditions, le marchand n’aura pas d’autres choix que de se convaincre de la loyauté du consommateur.
La vente de livres sur Internet en pratique
Dans la pratique, la plupart des enseignes qui vendent des livres sur internet font mention dans leurs conditions générales de vente du droit de rétractation prévu par la loi. Dans le commerce classique, le consommateur qui se procure un livre auprès d’un libraire ne dispose évidemment d’aucun droit de retour, sauf au libraire de « faire un geste commercial ». Dans la vente sur internet, le marchand pratique non seulement ce droit de rétractation légal mais va plus loin encore puisqu’à l’image par exemple du site Amazon, un délai de 30 jours est accordé à l’internaute pour retourner le livre reçu. Pareillement, le site de la Fnac.com offre à l’internaute la possibilité de retourner le livre acheté sur le site dans les 10 jours de sa réception. Certains marchand exige toutefois à ce que le livre soit restitué sous-cellophane, c’est-à-dire tel qu’il a été livré.
En effet, les conditions générales de vente de cette enseigne stipulent que :
Les retours sont à effectuer dans leur état d'origine et complets (emballage, etc..) permettant leur recommercialisation à l’état neuf.
La question se pose de savoir si ce type de clause ne contredit pas la faculté de rétractation du consommateur en le dissuadant de l'exercer.
En d'autres termes, cette clause peut-elle être qualifiée d'abusive et être donc réputée non écrite ?
La fonction du droit de rétractation étant justement d'essayer le produit, cela ne peut se faire sans détérioration de l'emballage (voir l'arrêt du TGI de Bordeaux du 11 mars 2008). Ainsi selon ce jugement, la seule obligation à la charge du consommateur est de restituer le bien en excellent état sans prendre en compte l'emballage. Ceci est conforme au code de la consommation qui n'envisage l'exclusion du droit de rétractation, en cas de déballage du bien, que pour les produits informatiques ou électroniques. De fait, on pourrait donc penser qu'il s'agit d'une clause abusive en ce qu'elle entrave un droit essentiel du consommateur, celui de pouvoir se rétracter.
Cependant la particularité du livre fait que c'est la qualité de son contenu qui est jugée non son aspect extérieur. Après avoir débarrassé le livre de son emballage, le consommateur ne sera pas plus avancé dans son jugement pour l'acquérir ou pas, sauf à prendre connaissance de son contenu, et dans ce cas il renoncerait sans doute implicitement à sa faculté de rétractation.
En pratique, le juge recherchera si, en vertu de l'article L212-1 du Code de la consommation, la clause en question crée ou non un déséquilibre significatif des prestations au détriment du consommateur. Il est fort possible que, le consommateur ayant été clairement averti avant de conclure le contrat de l'existence d'une telle restriction à sa faculté de rétractation, le juge n'y verra certainement pas une clause abusive.