Le dropshipping : statut juridique et partage des responsabilités

E-commerce 12240 Vues

Quel est le statut du dropshipping en France, quelle est la loi qui s'applique ? La responsabilité pèse t-elle sur le vendeur ou sur le fournisseur, notamment en cas de vices cachés ou de produits défectueux ?
Le dropshipping : statut juridique et partage des responsabilités

Le dropshipping est un terme anglo-saxon en provenance des Etats-Unis et qui peut se traduire «  livraison par procuration ou par délégation ». C’est une pratique ancienne dans le monde du commerce. Un commerçant, au lieu de conserver toute sa marchandise dans son magasin, passera un contrat avec une société chargée de conserver et de stocker les marchandises dans ses entrepôts. C’est cette société qui expédiera directement aux clients, au nom du commerçant, les produits achetés ou commandés. Le commerçant fera la promotion de ses produits, soit par catalogue soit par échantillons ou modèles d’exposition dans son magasin. Il s’épargnera grâce à cette méthode tous les inconvénients liés à la gestion d‘espaces pour stocker ses marchandises. Dans ce modèle, le commerçant est l’unique partenaire de son client et répond donc seul des défectuosités du produit ou des incidents de livraison. Ainsi les responsabilités sont clairement définies.

Le fonctionnement du dropshipping dans le commerce électronique

Cette pratique, qui n’est pas sans rappeler finalement la gestion des stocks en flux tendus, a évidemment séduit les grandes enseignes de vente à distance sur Internet. Dans la mesure où la logistique n’est pas le cœur principal de leur activité, les grands sites de vente sur internet (Amazon, Priceminister.com, etc) trouvent avantage à déléguer cet aspect logistique à des sociétés spécialisées.  Mais il ne s’agit en aucun cas d’une sous-traitance au sens juridique du terme.

Tout récemment, une pratique s’est développée autour de ce modèle dans le commerce électronique. C’est une forme hybride du e-commerce qui n’a pas encore fait l’objet d’une attention de la part du législateur. Elle consiste pour un particulier disposant d’un portail (vitrine virtuelle) de négocier avec une société commerciale le référencement de ses produits sur son portail et de profiter ensuite d’une marge négociée par avance en cas de vente.

L’intérêt pour l’intermédiaire (l’internaute qui fait la promotion du produit sur son site) est qu’il n’a pas à s’occuper de la livraison des produits commandés par le client. La société commerciale (celle qui commercialise réellement le produit) se charge de la chaine logistique et donc de l’expédition du produit au client. Au final, cette société (qui peut être une grande enseigne) continue toujours de supporter les mêmes coûts structurels (logistique, livraison, comptabilité). Très logiquement, la marge sur la vente qu’elle acceptera de faire bénéficier l’internaute sera relativement faible.

Quels sont les risques ?

En théorie, le particulier qui dispose d’un portail sur internet doit lui-même avoir le statut de commerçant ou à tout le moins celui d’auto-entrepreneur. Il faut garder présent à l’esprit qu’en cas de contentieux, un tribunal peut très bien qualifier de commerciale l’activité de dropshipping d’un particulier. En effet, dès lors qu’il accomplit des actes de commerce de manière habituelle, c’est-à-dire de manière répétée, une personne sera présumée avoir le statut de commerçant. Ce qui peut avoir pour conséquence l’application des règles commerciales à son égard. Il faut notamment penser ici aux procédures collectives de redressement, car pour les professions commerciales ou indépendantes, la procédure plus favorable du surendettement des particuliers est exclue.

Pour l’acheteur aussi des inconvénients existent. D’une part, il sera dans l’ignorance de l’opération conclue entre le fournisseur et l’intermédiaire (il s’agit d’une opération « secrète »). Ceci constitue déjà un énorme inconvénient pour lui dans la mesure où le prix qu’il acquittera sera nécessairement supérieur au prix officiel pratiqué par le fournisseur.

D’autre part, s’ajoute à cette première frustration, une absence de sécurité juridique. Comment en effet, le consommateur pourra-t-il faire valoir auprès de son vendeur (simple présentateur du produit du fournisseur) l’ensemble des règles protectrices du consommateur ? A commencer par le droit de rétractation dans le délai de 14 jours suivant la réception du produit, prévu par l'article L221-18 du Code de la consommation.

Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.

Il faut bien comprendre que dans le mécanisme du dropshipping, le partenaire de l’acheteur c’est le vendeur-internaute. Le fournisseur reste pour ainsi dire dans l’ombre. Le colis que reçoit l’acheteur ne comportera aucune référence du fournisseur qui aura pris soins de ne mentionner aucune information susceptible de l’identifier.

Dans l’hypothèse d’un retard de livraison ou d’un retour de produit le seul partenaire de l’acheteur c’est le vendeur. Mais il serait illusoire toutefois de croire que le vendeur disposera des compétences et des moyens matériels suffisants pour gérer les incidents du contrat. Il est même légitime de craindre que les intérêts économiques du consommateur ne soient pas garantis dans le cadre de cette opération. C'est pour cela que bien souvent on entend parler d'arnaque au dropshipping, d'autant plus depuis l'arrivée de ce modèle économique sur les réseaux sociaux et notamment avec l'apparition des contenus éphémères sur ceux-ci. Ces contenus éphémères, bien souvent utilisés pour faire la promotion de produits vendus en dropshipping, disparaissent sous quelques heures et ne laissent pas de trace.

La question de la responsabilité juridique dans l’opération du dropshipping

L’opération du dropshipping comporte donc 3 opérations :

  1. En premier lieu, le vendeur négocie (de préférence par contrat écrit) avec le fournisseur le prix auquel il présentera la marchandise sur son site Internet.
  2. En second lieu, l’acheteur intéressé par le produit réglera le prix directement au vendeur, lequel se connectera à l‘interface web du fournisseur pour lui transmettre la commande et le règlement.
  3. Enfin, le fournisseur se chargera de livrer le produit au client au nom du vendeur.

Il est évident que cette pratique du dropshipping dans l'e-commerce ne s’embarrasse pas des frontières qui existent entre les modèles business to business (BtoB) ou business to consumer (BtoC) ou encore consumer to consumer (CtoC). Face à ce flou, on a l’impression que les responsabilités de chacun des intervenants sont diffuses et incertaines en raison de la complexité de l’opération et que les dispositions contraignantes et impératives du Code de la consommation n’ont pas vocation à s’appliquer.

Or, il suffit de rappeler l’article L221-15 du Code de la consommation pour se convaincre que la responsabilité juridique de chacun est bien déterminée :

Le professionnel est responsable de plein droit à l'égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient exécutées par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.

Ce texte établit clairement que le vendeur est tenu d’une obligation de résultat quand à l’accomplissement de la vente à distance. La bonne exécution du contrat exprime l’idée que le vendeur est responsable de plein droit, de la commande à la livraison du produit, peu importe qu’il ait recours à des prestataires.

La seule exonération possible pour lui est la cause étrangère. Parmi les cas de cause étrangère figure le fait du tiers. Mais le vendeur ne pourra pas invoquer le fait de son fournisseur pour s’exonérer de sa responsabilité car d’une part ce dernier n’est pas un véritable tiers à l’opération contractuelle et d’autre part, c’est l’ensemble contractuel de l’opération de dropshipping qu’il convient de considérer. Il existe en effet une interdépendance entre la relation commerciale conclue entre le fournisseur et son vendeur et le contrat conclut entre le vendeur et l’acheteur. L’un est la cause de l’autre.

En pratique, pour déterminer la responsabilité des intervenants dans le cadre du dropshipping, un tribunal serait probablement amené à appliquer à la relation vendeur-acheteur la législation du Code de la consommation (relation professionnel-consommateur), à appliquer à la relation fournisseur-vendeur, les dispositions du Code du commerce (relation entre professionnels) et enfin à appliquer les règles de la responsabilité contractuelle (article 1231-1 du Code civil) pour la relation fournisseur-acheteur. Dans ce dernier cas, nous avons vu que le fournisseur n’était pas un véritable tiers au contrat passé entre le vendeur et l’acheteur. De sorte qu’il est possible d’appliquer la jurisprudence sur les chaînes de contrats. Cette jurisprudence permettrait ainsi à l’acheteur de disposer d’une action contractuelle contre le fournisseur en raison de l’existence d’un transfert de propriété portant sur une chose (ce qui n’aurait pas été possible en cas de contrat d’entreprise ou de service) L’acheteur dans ce cas, pourrait appeler en garantie le fournisseur contre tous les vices et défectuosités dont serait affecté le produit acheté sur internet.

 
Obtenez un devis en 24 heures par nos avocats
Prestation demandée :
Pays ou organisation :
Type de contrat :
Votre besoin :
Votre besoin :
Votre besoin :
Vos informations :

* : champs obligatoires

Lectures en lien
Marteau de président, utilisé dans les tribunaux
Ecommerce 7590 Vues

Les conditions générales de vente servent à définir les règles de la relation client/acheteur. Toutefois, lorsque dans le cadre de l'e-commerce international un litige survient, quelle juridiction est compétente ?

un homme utilisant sa tablette pour surfer sur internet
Ecommerce 6997 Vues

L'achat à distance consiste à acheter un bien ou une prestation de services sur internet, par catalogue, téléphone, téléachat, publipostage, SMS... Les contrats portant sur les achats à distance sont réglementés.

Homme se tenant sur le pas de porte
Ecommerce 13457 Vues

Le démarchage à domicile consiste à solliciter le consommateur afin de lui faire souscrire un contrat. Dans bien des cas, le consommateur est en situation d’infériorité par rapport au vendeur, et cela peut le conduire à une commande qu’il regrettera peut être.

Livraison d'un colis
Ecommerce 13689 Vues

Quel est le délai de livraison légal à respecter ? Que faire en cas de retard/dépassement du délai de livraison ? Comment engager la responsabilité du commerçant ?

Des colis entassés dans une camionnette
Ecommerce 5362 Vues

La garantie de conformité ainsi que la garantie des vices cachés, sont des garanties dites d'ordre public qui visent à protéger les consommateurs.

Un homme réalisant des achats sur Internet
Ecommerce 11549 Vues

Quelles sont les conditions de validation et l'opposabilité des conditions générales de vente (CGV) d'un site e-commerce via la case à cocher et le clic de validation ?

Photo prise au travers de carreaux de lunettes
Ecommerce 8146 Vues

Quelles contraintes juridiques pour la vente de lunettes et lentilles sur internet ? De la tolérance dans le cadre de la vente à distance à l'autorisation officielle : suivi de l'évolution législative.

Une femme au téléphone
Ecommerce 6297 Vues

Aspects juridiques des commandes par téléphone, ou à distance, sans validation préalable des conditions générales de vente et opposabilité de ces CGV.

Marteau de président, utilisé dans les tribunaux
Ecommerce 4871 Vues

Une décision de la CJUE sur l'opposabilité des CGV concernant les sites e-commerce est venue condamner la France. En cause : le support de transmission des CGV qui doit être "durable".

Un tribunal prit en contre-plongée
Ecommerce 11613 Vues

Comment déterminer la juridiction compétente en matière d'e-commerce à l’international ? Quelles spécificités en Union Européenne et dans le monde ? Les notions de vente passive et vente active sont à prendre en compte.

Magasin avec un panneau promotionnel intitulé "special deal"
Ecommerce 52574 Vues

Un commerçant est-il en droit de refuser une vente à un consommateur ? Un bar peut-il refuser de servir un client ? En principe, oui, au nom de la liberté contractuelle du commerçant. Cependant, celui-ci doit avoir un motif légitime de refuser la vente sous peine de sanctions.

Des colis entassés dans une camionnette
Ecommerce 15617 Vues

En matière de vente à distance et notamment d'e-commerce, un droit de rétractation de 14 jours est accordé au consommateur. Il lui permet de se rétracter de son achat sans avoir à justifier de motifs ni payer de pénalités. Attention néanmoins, il existe des exceptions.

Téléphone avec vue sur le magasin d'applications
Ecommerce 7049 Vues

Quelles sont les contraintes juridiques pour distribuer une application mobile sur le Google Play Store ou l'App Store d'Apple ? Quelle rémunération pour les éditeurs ?

Soleil couchant prit d'un hublot d'avion duquel on voit l'aile
Ecommerce 23219 Vues

Le droit de rétractation de 14 jours en matière de vente à distance reçoit une exception dans le cadre d’une offre de vente de voyage sur internet. Cependant, afin de protéger le consommateur, des clauses jugées abusives sont interdites et le commerçant est responsable de plein droit en cas de préjudice ou d'inexécution du contrat.

Microscope dans un laboratoire, illustrant le dépôt de brevet
Ecommerce 4645 Vues

La vente en ligne de médicaments est strictement régie par la loi. Découvrez les aspects juridiques de la vente de médicaments sur internet par les pharmacies : limites, conditions et responsabilités.

une personne construisant quelque chose dans son établi
Ecommerce 14225 Vues

Quelle est la responsabilité du vendeur qui fabrique lui-même ses produits et les vend via son site internet ou son magasin ? Quelles obligations doivent être respectées ?

Des mains remplies de billets
Ecommerce 3378 Vues

Aspects juridiques de la rémunération des particuliers sur internet (e-commerce, revenus publicitaires, plateforme de rémunération...). Quelles sont les contraintes liées à la rémunération des particuliers sur internet ?

Un tribunal prit en contre-plongée
Ecommerce 4330 Vues

La directive européenne sur l'e-commerce et ses conséquences sur les CGV des e-commerçants français : droit de rétractation, information du consommateur, livraison et retour des produits.

Marteau de président, utilisé dans les tribunaux
Ecommerce 15746 Vues

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), transpose la directive européenne sur le commerce électronique et pose ainsi un cadre à cette activité. Cette loi crée donc un droit général de l'internet.

Une tablette et un téléphone sur une table
Ecommerce 5505 Vues

Quelles sont les conditions de validité de l'acceptation des conditions générales de vente ? La présence d'un lien hypertexte suffit-elle ? La CJUE a rendu plusieurs décisions venant préciser cela.

une personne regardant son téléphone
Ecommerce 3956 Vues

Comment réagir en cas de publication par les visiteurs de contenus diffamatoires ou dénigrants sur un site internet? Comment se protéger en tant qu'e-commerçant ? La recherche des responsabilités n'est pas toujours chose aisée.

Un tribunal prit en contre-plongée
Ecommerce 4431 Vues

Quelles contraintes pèsent sur les commerçants depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite Châtel ? Droit de rétractation, modalités de contact et information du consommateur.

Une femme au téléphone
Ecommerce 13131 Vues

La vente par téléphone fait partie intégrante des ventes à distance et, de ce fait, impose des contraintes particulières aux commerçants, notamment au niveau du droit de rétractation.

des livres dans une bibliothèque
Ecommerce 6324 Vues

La vente par internet fait partie intégrante des ventes à distance et, de ce fait, impose des contraintes particulières aux commerçants, notamment au niveau du droit de rétractation. La vente de livres n'y échappe pas.

Un homme réalisant des achats sur Internet
Ecommerce 7864 Vues

Les contrats conclus sur internet accordent au consommateur un droit de rétractation. Ce droit permet au consommateur de renvoyer le produit, sans avoir à régler d'indemnités, sans avoir à présenter de motifs, 14 jours après la réception du produit.

photo en noir et blanc de quelqu'un tapant au clavier de son MacBook
Ecommerce 15261 Vues

Qu'est-ce qu'un contrat de vente en ligne, qui se matérialise le plus souvent sous la forme de conditions générales de vente ? Comment est-il formé ? Quelles sont ses spécificités ?

une personne tapant au clavier de son ordinateur portable
Ecommerce 11702 Vues

Tout professionnel vendant des biens ou des services, que ce soit à destination de professionnels ou de consommateurs, doit se munir de conditions générales de vente (CGV). En l'absence de ces CGV, il s'expose à une sanction administrative.

une personne navigant sur Internet sur sa tablette
Ecommerce 7749 Vues

Parfois obligatoires, selon l’activité d’un site internet, les CGU ou conditions générales d’utilisation sont essentielles pour l’éditeur d’un site internet, quel qu’il soit. Elles ont pour fonction principale de régir les rapports entre l'éditeur et l'internaute ainsi que de prévenir éventuels conflits qui pourraient survenir.

statue d'une femme aux yeux bandés, avec une balance et une épée, symbolisant la Justice
Ecommerce 10057 Vues

Tout site internet doit faire figurer un certain nombre de mentions légales nécessaires à l'information du public afin d'être en conformité avec la loi, ce qu'ils soient édités à titre professionnel ou non-professionnel. En cas de non-respect, l'éditeur du site internet s'expose à des sanctions.

panneau sur lequel il est écrit "e-commerce"
Ecommerce 15133 Vues

Face à la multiplication des produits et des services dans notre société de consommation, il paraît essentiel de se démarquer grâce à une méthode de vente adaptée. Toutefois, il convient d’être prudent puisque plusieurs méthodes de vente sont illicites, tandis que d’autres sont soumises à des réglementations drastiques. 

Ecommerce 1632 Vues

L’intelligence artificielle désignée par l’acronyme « IA » devient aujourd’hui une technologie clé pour l’avenir. Toutefois, il reste à comprendre ce que l’on entend exactement par intelligence artificielle, mais également comment celle-ci affecte notre quotidien.