L'absence de droit de rétractation
Comme de nombreux autres secteurs économiques, le secteur du tourisme a été gagné lui aussi par la fièvre de la vente numérique. Voilà maintenant plus de 10 ans que les consommateurs ont de plus en plus recours à internet pour réserver leur billet d’avion, de train ou encore pour se confectionner un voyage. Pour cela ils n’ont qu’à se rendre sur l’un des nombreux sites dédiés à la vente en ligne de voyages : Opodo.fr, Lasminute.com, Expedia.fr, pour ne citer que les plus connus. Toutefois, la vente traditionnelle de voyage en agence continue de représenter une part importante du chiffre d‘affaire dégagé par ce secteur, ce qui s’explique par le besoin d’échange et de proximité exprimé par certains consommateurs.
C’est la loi du 13 juillet 1992 qui a pendant longtemps régi la vente de voyage. Cette loi, reproduite dans le Code de la consommation, mettait à la charge du professionnel de nombreuses obligations afin d’assurer une meilleure protection du consommateur. L’expansion de la vente de voyage en ligne a contraint les autorités à intervenir et à adapter cette loi de 1992 au commerce numérique. Les anciennes obligations pesant sur le professionnel (les agences physiques classiques) coexistent avec les nouvelles obligations liées à la vente à distance. Ainsi, la loi du 21 juin 2004 pour la confiance en l’économie numérique impose au professionnel qui intervient sur internet de s’identifier, d’informer clairement le consommateur sur la prestation, le prix, les conditions générales de ventes etc..
Le droit de rétractation de 14 jours francs laissé au consommateur en matière de vente à distance reçoit une exception dans le cadre d’une offre de vente de voyage sur internet. L’article L221-28 du Code de la consommation précise que le droit de rétractation ne s’applique pas aux voyages à forfait ni aux prestations touristiques non forfaitaires.
Le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats :
[...]
12° De prestations de services d'hébergement, autres que d'hébergement résidentiel, de services de transport de biens, de locations de voitures, de restauration ou d'activités de loisirs qui doivent être fournis à une date ou à une période déterminée ;
Dès lors, l’agence de voyage qui adresse une offre de contrat électronique au consommateur doit indiquer sur ce contrat l’absence du droit de rétractation une fois le contrat signé.
A propos de la faculté de rétractation, dans un arrêt du 25 novembre 2010, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu’un couple qui avait réservé un voyage sur le site GO VOYAGE ne bénéficiait pas du droit de rétractation prévu à l’article L221-18 du Code de la consommation
car cet article ne s’appliquait pas aux contrats ayant pour objet la prestation de service d’hébergement, de transport, de restauration et de loisirs.
Si de nombreux consommateurs préfèrent avoir recours à l’agent de voyage traditionnel c’est également parce qu’ils considèrent que l’éthique est mieux préservée que dans la vente sur internet. L’essor des marchands de voyage à bas coûts sur le web a pour contrepartie un relâchement, voire un détournement de certaines règles de protection du consommateur. C’est le cas en matière de clauses abusives et surtout de responsabilité du professionnel. Fort heureusement les autorités nationales et européennes ont vite pris conscience de cette évolution et de la nécessité de poser un cadre plus protecteur en faveur du consommateur.
L’interdiction des clauses abusives
Dans l’offre de contrats de vente de voyage sur internet, le prestataire (l’agence de voyage en ligne) y inclut bien souvent des clauses qui sont considérées comme abusives.
Or, le Code de la consommation sanctionne ce type de clauses dès lors qu’elles ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur (article L212-1 du Code de la consommation).
Pour combattre cette pratique, la Commission des clauses abusives a rédigé une recommandation (le 22 novembre 2007) relative au contrat de fourniture de voyage sur internet. Parmi les 21 clauses abusives dont la Commission interdit la pratique aux agences de voyage figurent : la clause permettant au prestataire de limiter unilatéralement la portée de son engagement initial, la clause qui fait obstacle au droit de réclamation du consommateur par un formalisme excessif, celle qui prévoit que le consommateur supportera la prise en charge en cas de changement imprévu d’aéroport, celle qui viendrait limiter l’indemnisation à un montant inférieur à ce que prévoient les conventions internationales applicables ou encore celle qui permettrait au professionnel d’accepter ou de refuser la commande dans un délai excessif.
Les législateurs français et européen, ont également souhaité lutter contre l’insertion de clauses abusives par le professionnel. Une loi du 22 juillet 2009 dite de développement et de modernisation des activités touristiques est venue apporter un nouveau cadre à l’activité de vente de voyage sur Internet. L’article L211-10 du Code du tourisme reprenant cette loi de 2009, impose que dans le contrat conclu entre le vendeur et l’acheteur il soit fait mention des indications relatives aux noms, adresses de l’organisateur, du vendeur, du prix, du calendrier, des modalités de paiement et de révision éventuelle des prix, d’annulation ou de cession du contrat et à l’information de l’acheteur avant le début du voyage ou du séjour.
La responsabilité des fournisseurs de voyages en ligne
Les agences de voyages, indépendamment du fait qu’elles exercent par internet ou en agences traditionnelles (agences physiques ou de proximité), engagent évidemment leur responsabilité en cas de dommages causés au voyageur ou d’inexécution du contrat. Toutefois, il s’agit d’une responsabilité particulière par rapport à la responsabilité civile des articles 1240 et suivants du Code civil.
Pour mieux comprendre la nature de cette responsabilité, il faut immédiatement noter que les agences de voyages proposent principalement deux types de prestations. Soit elles proposent des vols simples dits « vol sec ». Soit elles offrent des forfaits touristiques, que l’article L211-2 du Code du tourisme définit comme la combinaison d’au moins deux opérations portant sur le transport, le logement ou d’autres services touristiques.
La loi du 13 juillet 1992 a prévu une responsabilité de plein droit à la charge du professionnel. Cela signifie que ce dernier engage sa responsabilité et par conséquent doit réparation au voyageur dès lors qu’un préjudice est survenu ou une inexécution constatée. La seule exonération possible pour le professionnel est que ce préjudice ou l’inexécution soit le fait du voyageur, d’un tiers ou d’un cas de force majeure. Mais le législateur a pris soin de préciser que la responsabilité de plein droit du professionnel ne jouait que pour la prestation de forfait touristique (article 24 de la loi du 13 juillet 1992). Pour les vols secs, l’agence de voyage n’est qu’un mandataire de la compagnie aérienne et ne saurait par conséquent engager sa responsabilité de plein droit (en vertu de l’article 1994 du Code civil).
Or l’article L221-15 du Code de la consommation, issu de la loi du 21 Juin 2004 pour la confiance en l’économie numérique prévoit au contraire que la responsabilité du prestataire qui propose un service sur Internet est une responsabilité de plein droit même lorsque le professionnel a eu recours à d‘autres prestataires de services :
Le professionnel est responsable de plein droit à l'égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient exécutées par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.
Il s’agit donc d’une disposition particulièrement favorable au consommateur, puisque le professionnel sera toujours responsable de plein droit, que ce soit pour une prestation de vol sec ou de forfait touristique. Il pourra toujours toutefois s’exonérer pour les causes déjà prévues par la loi de 1992 (force majeure etc..).
Dès lors un conflit de lois existait entre d’une part l’article L221-15 du Code de la consommation (favorable au consommateur car responsabilité de plein droit du professionnel) et l’article L211-18 ancien du Code du tourisme (exclusion de la responsabilité de plein droit en cas de vente de « vol sec »). Cette situation a donné lieu à des décisions de justice divergentes. Certains juges appliquaient l’article du Code de la consommation en vertu du principe selon lequel les lois spéciales (ici la loi de 2004 sur la confiance en l’économie numérique) dérogent aux lois générales. D’autres juges faisaient prévaloir le texte du Code du tourisme, c’est le cas d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 mars 2009 (8eme Chambre A).
Ce flou juridique est heureusement résolu par la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des activités touristiques. L’article L211-16 du Code du tourisme issu de cette loi prévoit que :
Le professionnel qui vend un forfait touristique [...] est responsable de plein droit de l'exécution des services prévus par ce contrat, que ces services soient exécutés par lui-même ou par d'autres prestataires de services de voyage, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.
Le professionnel qui vend un service de voyage [...] est responsable de plein droit de l'exécution du service prévu par ce contrat, sans préjudice de son droit de recours contre le prestataire de service.
Toutefois le professionnel peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que le dommage est imputable soit au voyageur, soit à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables.