Histoire de la protection des marques en France
L'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) conserve l’ensemble des marques enregistrées en France depuis l’adoption de la loi du 23 juin 1857, fondant le droit des marques de fabrique et de commerce.
Cette loi définissait les marques de fabrique et de commerce comme :
Les noms sous une forme distinctive, les dénominations, emblèmes, empreintes, timbres, cachets, vignettes, reliefs, lettres, chiffres, enveloppes, et tout autre signe servant à distinguer les produits d’une fabrique ou les objets d’un commerce.
La loi du 31 décembre 1964 est venue bouleverser les règles et modalités en vigueur. Elle a notamment rendu obligatoire le dépôt d’une marque afin d’en acquérir la propriété. Aujourd’hui, pour être protégée, une marque doit être déposée auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI). Une fois le dépôt effectué, le déposant dispose d’un droit exclusif sur celle-ci.
La loi a continué d'évoluer tout au long du 20ème siècle, permettant la protection de formes de marques supplémentaires. Ainsi, la loi du 4 janvier 1991 a apporté une nouvelle définition de la marque de fabrique, de commerce ou de service "un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale".
Elle était accompagnée d’une liste non-exhaustive de signes pouvant constituer une marque comme les "dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs, hologrammes, logos, images de synthèse ; les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant un service ; les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs".
Aujourd’hui, l’article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle a récemment fait l’objet d’une réforme dans le cadre de la transposition de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015.
L’article dispose que :
La marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale de ceux d'autres personnes physiques ou morales. Ce signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conférée à son titulaire.
Plus aucun exemple n’y figurant, cela semble faciliter la protection de marques non-traditionnelles, c’est-à-dire qui ne sont pas exclusivement composées d’éléments verbaux et/ou figuratifs et également permettre la protection de nouvelles formes de signes.
Les types de marques et les conditions à remplir
De nos jours, le signe que vous allez choisir en tant que marque peut prendre de nombreuses formes variées. Il peut s’agir d’un mot, un slogan, des chiffres, un logo, un dessin, un son ou une combinaison d'images et de sons... Nous nous pencherons dans cet article sur la marque de motif qui va se caractériser par la répétition régulière d’un ensemble d’éléments.
Pour être déposée et bénéficier d’une protection, une marque doit répondre à plusieurs conditions :
- elle doit être disponible, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas avoir été déjà déposée,
- conforme à l’ordre public et ne pas tromper le consommateur,
- être distinctive, c’est-à-dire qu’elle doit permettre au consommateur d’identifier l’origine commerciale des produits ou services en question et de les différencier de la concurrence.
Lors de la procédure d’enregistrement, l'INPI recherche si le signe répond bien à ces conditions. Cette appréciation n’est pas réalisée de manière absolue, mais en se mettant à la place d’un consommateur moyen.
Pour s’assurer que cette dernière condition est bien remplie, les juges prennent généralement en compte d’autres éléments comme la complexité du signe, la présence d’une particularité au sein de celui-ci ou encore l’usage continu qui a pu en être fait auparavant. Ils sont très exigeants dans leur appréciation pour éviter tout risque de confusion entre deux signes évoquant le même genre de motif dans le futur.
L’acquisition du caractère distinctif par l’usage est possible et est prévu par différents textes juridiques comme les articles L711-2 du Code de la propriété intellectuelle, 3.3 de la directive 2008/95 du 22 octobre 2008, et 7.3 et 52.2 du règlement 207/2009 du 26 février 2009.
Pour profiter de cette possibilité, la preuve d’un usage continu, intensif et de longue durée doit être apportée.
Exemple :
Ce fut par exemple le cas pour la société Christian Dior Couture. Dans un arrêt rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 13 janvier 2011, les juges ont retenu le caractère distinctif de la marque représentant le motif « cannage » en considérant qu’elle l’avait utilisé « de façon intensive et transversale sur un certain nombre de produits très divers de sorte qu’elle est devenue un code de la maison Dior ».
Au niveau communautaire, l’acquisition du caractère distinctif par l’usage s’avère être plus compliqué et la charge de la preuve relativement lourde puisque celle-ci doit être apportée dans chacun des États membres de l’Union européenne lors du dépôt de la marque et pas seulement sur une partie de son territoire. La société Louis Vuitton s’est retrouvée confrontée à cette problématique comme l’illustre un arrêt rendu par le Tribunal de l’Union européenne le 21 avril 2015, concernant le dépôt de ses célèbres motifs.
La procédure de dépôt de marque
Afin de devenir propriétaire d’une marque, il est indispensable de la déposer auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Pour cela, plusieurs étapes sont à accomplir.
Détermination des produits et/ou services
Tout d’abord, il vous revient de déterminer précisément les produits et/ou services pour lesquels vous souhaitez utiliser votre marque. Notez que la protection que vous obtiendrez dépendra uniquement des produits et services que vous aurez mentionnés.
Une fois identifiés, il faudra les ordonner en fonction de la classification internationale dite classification de Nice.
Bon à savoir :
Une fois le dépôt effectué, il ne sera plus possible d’ajouter de nouveaux produits ou services.
Vérification de la disponibilité de la marque
Cette étape n’est pas obligatoire, mais elle est vivement conseillée. Avant d’effectuer tout dépôt, il faut vous assurer que le signe choisi est disponible. Il ne doit ni reproduire, ni imiter un signe bénéficiant d’un droit antérieur pour des produits qui seraient identiques ou similaires aux vôtres.
Cette vérification de disponibilité de la marque est appelée recherche d'antériorités.
Cette étape ne doit pas être délaissée et doit être effectuée avec minutie. En effet, si votre marque n’est pas disponible, elle pourra être contestée par les propriétaires des droits antérieurs afin de vous empêcher de l’exploiter dans le cadre d'une action en opposition.
Dépôt et enregistrement de la marque
Une fois votre marque déposée auprès de l'INPI, l'institut vous transmettra un récépissé de votre dépôt vous indiquant la date et le numéro national de celui-ci. L'INPI va alors procéder à l’examination de votre demande et vous indiquera ses objections, observations ou oppositions. En parallèle, votre marque peut faire l’objet d’une opposition ou d’observations par n’importe quelle personne pendant une durée de deux mois, d'où l'importance d'effectuer une recherche d'antériorités au préalable.
Vous pouvez ensuite régulariser les erreurs et/ou contester ces arguments. Notez que l’INPI peut décider de rejeter totalement ou partiellement votre demande.
Après un délai minimal de cinq mois, une fois la procédure d’examen du dossier achevée, l’INPI publiera l’enregistrement du dépôt au Bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI) et vous enverra un certificat attestant que votre marque est enregistrée.
La jurisprudence du dépôt de marque de motif
Dans un arrêt du 8 janvier 2021, la cour d'appel de Paris a refusé d’accorder la protection du droit des marques à un motif de surface demandé par la célèbre marque allemande Birkenstock, car elle a considéré qu’il n'était pas suffisamment distinctif. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, pour constituer une marque, plusieurs conditions doivent être remplies : le signe doit être distinctif, disponible, conforme à l’ordre public et ne pas tromper le consommateur.
Rappel :
La marque de motif se caractérise par la répétition régulière d’un ensemble d’éléments.
Dans cette décision, la Cour d’Appel de Paris a confirmé la décision de l'INPI. Celui-ci avait refusé d’enregistrer cette marque portant sur un signe se trouvant sur la semelle de chaussures et “composé d’un entrelacement de lignes courbes formant un motif répétitif, d’apparence simple et banale, le motif en forme d’os stylisé invoqué par la requérante, à [le] supposer caractérisé, ne présentant pas de particularité notable”.
Elle a considéré que “le signe en cause sera appréhendé par le public moyen dont le niveau d’attention est peu élevé ou même par un consommateur plus avisé comme un simple motif de surface qui se confond avec l’aspect des produits désignés et non comme une indication d’origine commerciale particulière”, et donc que le critère de la distinctivité n’était pas rempli.
On peut donc supposer que l’appréciation et la décision de la Cour auraient été différentes si “le public moyen” était habitué à percevoir des signes que l’on pourrait considérer comme distinctifs dans les motifs se trouvant sur la semelle de chaussures.
De manière générale, la Cour applique les critères classiques d’appréciation de la condition de distinctivité d’un signe de manière plus stricte lorsqu’il s’agit de marques non traditionnelles.